Nota bene : Si vous ouvrez une fenêtre, refermez-la en cliquant en haut et à droite de cette fenêtre. En effet, les mentions « retour » ou ne sont actives que si les pages ont été ouvertes à partir de leur sommaire.

Avertissement : cette « biographie étendue » ne sera pas, espérons-le, trop indigeste. Il s'agit de rassembler tous les renseignements utiles à une future biographie de Gourmont, si elle tente un Amateur. Toutes les contributions sont les bienvenues : renseignements nouveaux, précisions, corrections... Que le lecteur ne soit pas surpris par le disparate de ce qui suit (parties rédigées ou partiellement rédigées, simples citations ou notations, répétitions, trous, points d'interrogation... ), ce sera conforme à l'esprit de cette rubrique...

1857

8 juin : Auguste de Gourmont épouse Marie-Mathilde de Montfort.

1858

4 avril : naissance de celui qui n'est encore que Rémy de Gourmont au manoir de la Motte, à Bazoches-au-Houlme, près d'Argentan, dans l'Orne.

1860

Naissance de Marie de Gourmont, sa sœur.

1866

Naissance d'André de Gourmont, son frère.

Installation de la famille au manoir du Mesnil-Villeman, près de Villedieu[-les-Poêles], dans le département de la Manche, berceau de la famille.

ADDENDA

J'ai lu, à huit ans, des Chroniques de l'histoire de France que je n'ai jamais relues, et j'en vois encore tous les personnages. Il y avait, il est vrai, des images. J'approuve les images, j'en voudrais beaucoup, et des plus belles, des plus exactes. (« Education », Nouveaux Dialogues des Amateurs, Mercure de France, 1910, p. 189).

1867-1876

R. de Gourmont interne au lycée de Coutances. Il évoquera le lycée dans l'un des croquis de La Petite Ville (1913), intitulé « Le Lycée », mais d'une façon relativement impersonnelle :

Il n'est pas douteux que, dans la plupart des petites villes de cette région, où d'ailleurs il n'y en a pas de grandes, l'Université ne soit en profonde décadence. Non pas que le corps des professeurs ait diminué de valeur, mais ce sont les élèves qui ont diminué en nombre. Ici, le lycée, où il y eut de mon temps, jusqu'à trois cents élèves internes, n'en compte plus guère qu'une soixantaine. Cependant, la population écolière est abondante dans la région. On n'émigre vers Paris qu'après les études faites. Les hommes sont moins nombreux, mais les enfants et les adolescents pullulent, les familles y étant toujours fort fécondes. Où donc toute cette jeune population fait-elle son éducation ? Dans les établissements ecclésiastiques qui, jadis assez dédaignés, ont retrouvé depuis quelques années une belle clientèle. Je n'en rechercherai pas les causes, je constate le fait, qui est patent ; l'enseignement de l'Etat subit en province une crise dont il se relèvera difficilement. C'est en vain que toutes sortes d'améliorations y ont été apportées. Sans les boursiers que l'administration envoie de tous côtés, le lycée serait presque vide; le personnel est sans proportion avec la population scolaire, les bâtiments de l'internat s'y font de plus en plus déserts ; on dirait qu'une épidémie a passé par là. Ce n'est pas que les habitants soient devenus plus réactionnaires, plus cléricaux, mais il semble que les méthodes universitaires leur plaisent de moins en moins. S'il y a eu campagne contre l'Université, nulle part elle n'a mieux réussi. Pourtant, la petite ville est encore un centre d'études, mais surtout primaires et féminines. Il y a un lycée où on fait des cours pour les jeunes filles, mais ce gain compense assez mal la désertion du grand lycée, où l'on formait les hommes.

C'est dans des ouvrages, où on ne les attend pas, que se rencontrent des confidences plus personnelles, comme cette « première rencontre avec la... justice », façon Rousseau, relatée dans le très sérieux Problème du style (1902) :

L'école moderne a fait de l'orthographe un minotaure, ou plutôt un sphinx, un monstre qui dévore ceux qui ne peuvent expliquer ses énigmes. Je me rappelle à ce propos une bien curieuse anecdote. Nous étions en classe de quatrième, au lycée de C..., et le censeur , selon les habitudes d'alors, était venu nous lire le résultat d'une composition de version latine, si je me souviens bien. Après le défilé des noms, les derniers prononcés sur un ton de mépris qui nous faisait trembler, il se livra à quelques commentaires railleurs. L'un de nous (cet enfant est maintenant colonel, je crois) avait eu la mauvaise inspiration d'ajouter un e au pluriel de cheval et d'écrire cheveaux comme on écrit veaux ou taureaux. Cela lui coûta cher. Je me souviens encore de l'inflexion de voix affreusement dédaigneuse avec laquelle le censeur répétait : chevéaux, chevéaux ! Un président de cour d'assises ne parle pas plus durement à un coquin qui a assassiné une vieille femme. Mais qui sait si cette comparaison n'était pas vraiment dans l'esprit de ce triste pédant ? Qui sait s'il ne considérait pas comme un criminel cet enfant de douze ans coupable d'avoir massacré la vieille orthographe française ? Le futur officier baissa la tête et rougit jusqu'aux oreilles. Avec la lâcheté coutumière aux enfants, nous le regardions tous d'un air ironique : il s'effondra enfin sous la réprobation universelle. L'année suivante, je fus la victime d'une scène analogue, quoique moins solennelle, pour avoir mis un accent grave sur l'a de cela. Le professeur me fit entendre qu'avec de pareilles mœurs j'étais destiné à un avenir peu brillant ; en attendant, j'éprouvais beaucoup de confusion. Finira-t-on par comprendre, dans l'Université, que ces choses sont des vétilles ? L'opinion publique sera-t-elle un jour assez éclairée pour admettre que l'on puisse écrire cheveaux et être jeune, un bon élève, et plus tard un homme distingué et utile à la société ?

Ailleurs, le souvenir, toujours critique, nourrit la réflexion, comme dans cette promenade littéraire (de 1910 ?) :

Un autre point de la légende racinienne que M. Masson-Forestier attaque avec le plus de succès dans son Racine ignoré, c'est le caractère même du poète [...]. Les épithètes que l'on accole le plus souvent au nom de Racine en font délibérément un être doux et tendre. Absurde ! dit M. Masson-Forestier. Racine était un être cruel et féroce en même temps qu'un retors et redoutable procédurier, un arriviste implacable, un courtisan sans scrupule. Et il prouve aisément tout cela. On trouvera même qu'il le prouve trop, mais il est toujours nécessaire d'exagérer un peu quand il s'agit de détruire une légende et il ne me déplaît pas, en somme, que le Racine timide et pleurard des portraits universitaires se change en un tigre, « en un beau tigre ». Les larmes de Racine ! Il en fit plus verser qu'il n'en versa lui-même et on fera difficilement croire à un lecteur de Racine que celui qui ordonna ces furieuses tragédies, ces caractères luxurieux et féroces, fut un cœur tendre, une mièvre sensibilité. On l'a cru longtemps.

Je me souviens d'un discours sur Racine que nous fit au lycée un inspecteur général de l'Université, M. Deltour. Cet excellent homme, qui avait fait de Racine le compagnon de toute sa vie, n'y avait jamais rien compris. Il n'en parlait qu'avec des larmes dans la voix et en levant les yeux au ciel : « Racine, cet ami de cœur ! », disait-il en se frappant la poitrine. Pauvre M. Deltour, il eût bien souffert en lisant le livre de M. Masson-Forestier, mais cela ne lui aurait pas ôté ses illusions, car il jugeait Racine avec sa propre bonté. Il avait une excuse ; d'autres, qui ne se firent pas de lui une idée plus clairvoyante, obéissaient, sans le savoir, à la vieille règle universitaire qui veut que les grands génies littéraires aient été aussi des génies de vertu, des victimes de leur bonté, des modèles pour les cours de morale.

Mais le lycée, ce fut aussi la chance, pour R. de Gourmont, d'avoir pour professeur le poète normand Paul Blier, auquel il rend hommage dans une lettre adressée à Charles-Théophile Féret et que ce dernier publiera dans son Anthologie critique des Poètes normands de 1900 à 1920 .

Il est raisonnable de penser que c'est aussi de Paul Blier qu'il est question dans ce Dialogue des Amateurs :

J'ai une morale, celle des honnêtes gens, l'hypocrisie. Je reçus, comme tout le monde, beaucoup de leçons de morale ; une seule m'a profité. Mon professeur d'anglais (il n'était pas Anglais), qui m'aimait et se promenait avec moi, me dit un jour : « Voyez-vous, il n'y a qu'un principe pour se conduire dans la vie : faites tout ce que vous voudrez, mais que personne ne le sache. » S'il avait été pédant, il aurait emprunté la formule à je ne sais plus quel philosophe grec : Cache ta vie. Mais il n'était pas pédant, et, grâce à cela, j'ai très bien compris ce que c'était que la morale (« La Morale », Dialogues des Amateurs..., Mercure de France, 1907, p. 46).

et, qui sait ? certains des vers corrigés par lui, sont peut-être évoqués dans les lignes suivantes :

Je pensai aussi avec amertume au petit journal où, baudelairien innocent, j'avais envoyé des vers, du fond d'un collège de province, et je me disais que, si j'avais persévéré, j'aurais pu écrire dans une de ces émouvantes petites revues et participer directement aux joies que je venais d'entrevoir (« Jean Moréas », Promenades littéraires).

Voilà donc quelques rares souvenirs concernant R. de Gourmont et le lycée Lebrun. Il en est peut-être d'autres, qui nous ont échappé et qu'on voudra bien nous signaler, mais ils ne sauraient être nombreux, « ces souvenirs que l'on rédige, quand on n'a plus rien à faire dans la vie ». A noter que le bref Journal intime & inédit de feu Remy de Gourmont, recueilli par son frère, tenu très épisodiquement de 1874 à 1880, est muet à ce sujet.

On peut ajouter à ces souvenirs directs, les propos prêtés par le troisième numéro de l'Imprimerie gourmontienne à Emile Barbé, son condisciple à la Faculté de Droit de Caen :

[...] une chose [...] surprendra ceux qui n'ont connu Remy de Gourmont qu'après la quarantaine ; étant étudiant et quoique doué déjà d'une légère tendance à l'embonpoint, il était remarquablement alerte ; il parlait même, et non sans quelque complaisance, de ses succès de barre fixe et de trapèze au lycée de Coutances.

ou ceux prêtés par le docteur Voivenel au censeur du lycée dans la Courbe et dans Remy de Gourmont vu par son médecin :

Le dieu qui le blessa fut sans pitié, car, jeune, Remy de Gourmont avait été beau et fort. Le jour de l'inauguration de son buste à Coutances, le vieux censeur du collège normand apprendra à Campa qu'il obtint le prix de gymnastique.

Remy de Gourmont, tel que je l'ai connu, était robuste, musclé, peu pileux. Le censeur du Collège de Coutances, M. Léonce Fontaine, nous a appris le jour de l'inauguration de son buste, qu'il avait eu le premier prix de gymnastique.

[partie à compléter avec « Remy de Gourmont au lycée de Coutances » de René Martineau, Mercure de France, 1er octobre 1935]

Laisserons-nous le dernier mot au proviseur, l'abbé Lair, qui, le 10 janvier 1875, note sur le bulletin trimestriel (classe de rhétorique, la première d'aujourd'hui) :

Intelligence facile, distinguée, mais qu'il ne peut apprendre à diriger. Il fait un peu trop d'excursions dans le champ de la fantaisie. Qu'il fasse d'abord une bonne rhétorique ; plus tard, il travaillera suivant ses goûts.

ou à Remy de Gourmont en personne qui écrit dans le post-scriptum (?) d'une lettre du mardi 27 novembre 1912 adressée à Henri Bachelin (Imprimerie Gourmontienne, n° 5, 1922) pour le remercier d'un article que ce dernier lui a consacré (?) :

Je m'étais donné, à dix-huit ans, au sortir du collège, une assez complète éducation philosophique et scientifique même. Croyez que cela fut une boussole qui m'empêche jamais de me perdre. Je ne suis jamais tout à fait dupe de n'importe quoi.

En relisant votre article pour le couper et le ranger, je trouve un passage qui m'incite à vous dire cela. Tout le monde s'y est trompé. J'ai subi le costume d'une époque, mais j'étais cuirassé en dessous de la casaque.

O temps heureux où j'écrivais des romans !

et dans la promenade littéraire citée ci-dessus :

[L'éducation] est souveraine pour former des types moyens [...], mais elle échouera toujours à plier à ses lois l'être exceptionnel, dans un sens ou dans l'autre, sur lequel elle veut mettre son empreinte ?

ADDENDA :

Edmond Giraud, son compatriote, un peu plus jeune que lui, l'avait connu au collège de Coutances, et me disait combien, à cette lointaine époque, il était délicieux garçonnet avec un joli teint rosé et de beaux cheveux blonds. (H. Mazel, Aux beaux temps du Symbolisme, 1890-1895)

En octobre 1868 il entra au Lycée de Coutances où, pendant huit ans, il fut un des trois cents internes de cet établissement. Il n'y était pas heureux, et on peut tirer parti de cette remarque qui se trouve dans Sixtine, tout en faisant les réserves nécessaires, car Sixtine, si elle est autobiographique, l'est d'une façon très discrète : « Du collège, l'horreur m'en est encore dure à renouveler, dantesque et inutile horreur infligée à ma pitoyable enfance. Mais déjà, un peu à ma volonté, le monde s'absentait de moi, et par une lente ou soudaine récréation, je me faisais une vie plus harmonieuse. » (G. Rees, Remy de Gourmont. Essai de biographie intellectuelle).

Mademoiselle Rosita Mauri vient d'avoir une idée bien symptomatique d'une époque où l'on ne comprend pour la créature humaine d'autre liberté que celle de l'école, de l'atelier, du lycée, du bureau, du couvent, de la caserne et du lupanar. Oh ! les délices de vivre en troupe sous une férule, - avec la sécurité de la pâtée et la possible auréole d'une palme ! (67e épilogue)


Le travail intellectuel est imposé à tous, sous une forme presque de châtiment, pendant six ans, dix ans quinze ans ; les écoles ont des airs d'asile ; les collèges, des aspects de prison ; leur temps fini, les jeunes gens se libèrent de toute inquiétude cérébrale. Ceux-là seuls qui ont conquis leur intellectualité sur l'hostilité des milieux ou des circonstances savent le prix et la joie de l'étude. (72e épilogue)


Quand on est confiné dans une chambre d'hôtel par la pluie ou par un malaise, on éprouve assez bien les sensations d'un prisonnier. Du moins, je le suppose, car je n'ai pas subi le cachot depuis le temps lointain des années de collège, et je n'en ai que des souvenirs fort imprécis (« Le prisonnier », Nouvelles dissociations, Editions du Siècle, 1925).


M DESMAISONS. – Le premier livre vraiment obscène que j'aie lu, c'est le paroissien romain, auquel est annexé un soigneux « Examen de conscience ». Quel arsenal de corruption solitaire ! On nous donnait cela au Lycée, dans ce temps-là, et il fallait lire et méditer avant la confession. Commandement inutile. Ces pages étaient les plus feuilletées du volume, avec dans les marges la marque des doigts malpropres de l'écolier. Ce livret infâme, approuvé des évêques, compétents sans doute en ces matières, a éveillé bien des vocations qui s'ignoraient. (« L'obsession », Nouveaux Dialogues des Amateurs..., Mercure de France, 1910, p. 353).


A cet âge heureux, en 1870, au lycée où je venais d'entrer, on jouait à la Guerre : on livrait des batailles, on assiégeait des forteresses. Même que je fus blessé à l'un de ces assauts, qui ne manquait pas de frénésie. Un mois ou deux d'infirmerie, le temps d'être évacué sur la campagne et de laisser la place aux blessés de la vraie guerre. Le monde des enfants est le monde de l'imitation.. (« Jeux d'enfants », Le Chat de misère, Albert Messein, 1912)


J'ai, du moins, le bonheur d'avoir eu un professeur qui nous faisait rire aux dépens de ces pauvres annotateurs, et qui, au lieu du « développement » qu'on pourrait aussi bien appeler délayage, nous commandait des résumés, des analyses. Une idée n'est jamais exprimée trop brièvement, quand elle l'est de façon claire (401e épilogue, 16 septembre 1910).


Ma tradition n'est pas seulement française, elle est européenne. Je ne puis renier Shakespeare ni Dante ni Byron, qui m'apprirent ce qu'était la poésie, ni Gœthe qui enchanta ma raison, ni Schopenhauer qui fit mon éducation philosophique ; je ne puis renier Nietzsche qui donna un principe à mes répugnances contre la morale spiritualiste ; je ne puis renier Swift ni Cervantès. Et pourtant les deux premiers livres qui avaient ouvert le monde à mon âme d'écolier avaient été l'Amour de Stendhal et Madame Bovary, de Flaubert, trouvés à la maison, dans un placard !

***

Un curé, qui m'apprenait le latin, pendant la guerre, que les lycées étaient fermés, me révéla Molière. J'en ai gardé aux curés de la reconnaissance. Le reste des classiques fut pour moi matière à devoirs et à pensums. Je ne les ai lus que beaucoup plus tard. Telle est ma tradition.

***

Ce qui me frappe surtout dans la jeunesse d'aujourd'hui, c'est la docilité. Elle n'apprend que ce qu'on lui enseigne. De mon temps, le professeur était sans autorité. On lui reconnaissait la mission de préparer au baccalauréat.

***

En seconde, je fis ma rhétorique (vieux style) ; en rhétorique, ma philosophie ; en philosophie, des vers. J'étais interne. (« La tradition et autres choses », Les Marges, 15 juin 1914)

Documents :

coll. Michel Dorenlor

coll. Michel Dorenlor


coll. Michel Dorenlor

coll. Christian Buat

1872 (?)

"Rencontre" de Gobineau :

Par un hasard, dont je n'ai, d'ailleurs, tiré nul profit, le nom du comte de Gobineau fut un des premiers noms d'écrivains qui frappèrent mes oreilles d'enfant en même temps que ceux de Jules Janin et du marquis de Lonlay. Les quatre étaient célèbres, mais inégalement, dans les châteaux de l'obscur coin de Normandie où je grandissais, peu soucieux du phénomène littéraire. Jules Janin était le plus estimé ; on annonçait sa venue, l'été, comme un événement. Ni de lui, ni des autres, je n'ai le moindre souvenir visuel. M. de Gobineau fit au moins une apparition, sans doute amené par Janin, car lui aussi écrivait aux Débats où il avait publié un roman, Ternove, puis des articles. De cette apparition, il resta dans ma famille un petit volume, Souvenirs de voyage : Céphalonie, Naxie et Terre-Neuve, auquel je pris un certain plaisir. Jamais je n'oublierai ce petit dialogue entre sa mère, qui ne fait rien, et une jeune fille qui fait de la tapisserie :

- Maman, ne pensez-vous pas que si je faisais la langue du chien d'un vert plus clair, cela vaudrait mieux ?

- Oui, mon enfant ; mais je l'aimerais mieux violette, c'est plus naturel.

M. de Gobineau m'enseigna, dès mon jeune, les principes du réalisme.

(« Le comte de Gobineau », Promenades littéraires)

1876-1879

Baccalauréat. Installation à Caen au 46, rue Ecuyère, aujourd'hui Librairie Internationale du XXe Siècle où M. Bedel entretient le souvenir de Remy de Gourmont .

Inscription à la Faculté de Droit, avec pour condisciples son cousin, Olivier de Gourmont et Emile Barbé :

Normands l'un et l'autre, ce fut à Caen que Remy de Gourmont et Emile Barbé se rencontrèrent. A Caen où ils étaient venus suivre l'enseignement du doyen Demolombe, « la gloire de la Faculté de Droit », gloire vouée d'ailleurs à une éclipse rapide et totale.

Remy de Gourmont, nous confie Barbé, afin d'arriver plus tôt à la bibliothèque de la ville, ne jugeait pas à propos de s'attarder à la Faculté de Droit; et Barbé, qui suivait les cours avec une sage régularité, quoique sans enthousiasme, venait, sitôt la leçon terminée, retrouver son ami à la bibliothèque « dont lui et moi, écrit-il, devînmes bientôt les hôtes les plus assidus. Nous y lisions de tout, avec l'ardeur de la jeunesse et l'amour indiscret des lettres, de tout, sauf du droit. »

Cet amour des études extrajuridiques avait créé une amitié entre ces deux jeunes gens qui s'étaient inscrits par erreur à la Faculté de Droit, alors que leurs goûts les destinaient à celle des Lettres.

A force de se voir en vis-à-vis à la même table, recherchant les mêmes auteurs et proscrivant aussi les mêmes, les deux étudiants se reconnurent ; et, ajoute Barbé, « le jour où j'abordai, un livre à la main, Remy de Gourmont au jardin des Plantes - il lisait lui-même Une Vieille Maîtresse - Remy de Gourmont m'attendait. »

« A la bibliothèque, désormais, au lieu de nous asseoir en face de l'autre dans des fauteuils que je vois encore, nous allions maintenant nous tenir côte à côte. »

Emile Barbé nous raconte à ce sujet une petite histoire comique et cruelle. Les deux étudiants, avides de connaître tous les livres, entreprirent des voyages de découverte à travers les rayons de la bibliothèque sans le secours des employés. Le bibliothécaire en chef, M. Julien Travers, professeur estimable de la Faculté des Lettres, se fâcha et les deux jeunes explorateurs durent se soumettre aux exigences de l'administration.

Mais, pour se venger, Emile Barbé imagina une petite farce d'écolier, à laquelle Remy de Gourmont s'associa par le plaisir qu'il y prit : « Désormais, écrit Barbé, quand nous venions à la bibliothèque, j'affectais d'y lire, sans demander aucun ouvrage aux employés, un petit livre désastreux que le malheureux M. Travers avait commis dans sa jeunesse l'Art de p. et qui s'inspirait de l'Ars honeste petandi in societate, ouvrage supposé par Rabelais, qui le place dans la Librairie de Saint-Victor.

« Le jeu devenant trop cruel et l'angoisse de ce pauvre M. Travers trop pénible, je renonçai, écrit Barbé, à cette plaisanterie, et d'autant plus facilement que j'y jouais le rôle de "celui qui se punit lui-même. »

Rétrospectivement et avec une juste sévérité, Emile Barbé juge l'enseignement juridique qu'il reçut alors du Grand Oracle provincial qui se cantonnait dans le droit pur, c'est-à-dire « dans la casuistique la plus stérile des espèces et des systèmes, ignorant d'ailleurs la sociologie, l'histoire, le droit comparé, la diplomatique, la philosophie, tout ce qui constitue la réalité d'un enseignement vraiment supérieur ».

Aussi Remy de Gourmont, très savant déjà et doué d'un sens critique inné, n'était pas homme, écrit Barbé, à se laisser prendre à une façade emphatique élevée sur le néant. Malgré qu'il négligeât presque complètement les études juridiques, Remy de Gourmont fut bien l'homme le plus studieux de la ville.

« Y eut-il, à cette époque, quelque roman dans sa vie. Je ne l'ai jamais su ; en tout cas, il était, semble-t-il, trop occupé de lettres pour que la sentimentalité l'ait beaucoup distrait. »

(Il faudrait ajouter que sur ces sujets intimes Remy de Gourmont fut toujours d'une extrême discrétion et qu'il ne faisait guère de confidences sur sa vie intérieure.) [...]

Il était encore un marcheur intrépide. Il faut dire ici, écrit Barbé, que j'étais moi-même toujours disposé à prendre ma canne pour aller visiter quelque ancienne demeure ou quelque vieille église à l'autre bout de la plaine de Caen. C'est ainsi que j'ai parcouru celle-ci, en un temps où les bicyclettes n'existaient pas et, dans plus d'un sens, avec Remy de Gourmont. je me rappelle avoir visité, en sa compagnie, Thaon et Fontaine-Henri : que de pas et de discours égarâmes-nous de la sorte ? je ne saurais le préciser aujourd'hui. (Imprimerie gourmontienne, n° III)

1879

Juillet : Bachelier en droit.

Souvenir caennais ?

[...] Or, quelle est la cause du feu, sinon le feu ? Toute maison peut flamber dans laquelle on brûle une bûche ou une bougie. Prétend-on construire une maison d'où serait exclu l'Accident ? A chaque accident, incendie, déraillement, explosion, on s'interroge, on prononce cent fois par heure ce mot : accident, et l'on hésite. Quelle est la cause d'un accident ? Quelle est la cause du hasard ? Demandons aussi, pour abréger, quelle est la cause de la cause ? Il n'y a pas de cause détachable d'un ensemble. On ne peut pas arracher à la tapisserie de Perséphone une maille et la montrer aux hommes et dire : voilà la cause. Que les Grecs étaient sages et que le sont les Musulmans ! Apprenons d'eux à vénérer et à craindre la Fatalité.

Un jour, il y a fort longtemps, un de mes amis voulut se donner dans la glace de son armoire d'étudiant le spectacle du monsieur qui s'applique un revolver sur la tempe et se fait sauter la cervelle. Il répugnait néanmoins à jouer le dernier acte et il s'assura d'abord que son arme n'était pas chargée. Cinq fois il appuya sur la détente ; sa curiosité était épuisée, il abaissa le revolver et le regarda machinalement : le sixième coup était chargé.

Quelle eût été la cause de son suicide ?

(« Variations sur la recherche des causes, à propos d'un illustre incendie », Épilogues, 2e série, Mercure de France, 1904)

[partie à compléter avec GAUTIER E., « Remy de Gourmont, étudiant à la Faculté de Droit de Caen », Normannia, avril-septembre, 1935/HENRY T., « Gourmont écrivain normand et ancien élève de l'Université de Caen », Le Mois à Caen, numéro spécial, juin, septembre, décembre 1976. / LIEGEARD A., « Le logis de Remy de Gourmont à Caen, en 1882 », Moniteur du Calvados, juillet-août 1931.]

1877

Naissance des jumeaux Henri et Joseph (alias Jean) de Gourmont, au manoir du Mesnil-Villeman.

1881

7 novembre : attaché à la Bibliothèque nationale (Service du Catalogue).

1882-1890

Rémy de Gourmont auteur pour enfants : de Un volcan en éruption à Chez les Lapons, en passant par Tempêtes et naufrages et autres prix scolaires, qu'il ne retiendra pas dans la liste de ses œuvres.

La première période de ma manie d'écrire remonte bien plus haut que 1886. J'ai débuté dans la même semaine 1882 à la Vie Parisienne et au journal Le Monde, hasard des relations (Préface des Promenades littéraires, sixième série).

1886

Publication chez Plon et Nourrit de Merlette, son premier roman, qu'il ne retiendra pas dans la liste de ses œuvres.

Avril : découverte du Symbolisme , grâce au premier numéro de la Vogue.

Rencontre de Caroline, Louise, Victoire Courrière, alias Berthe de Courrière, alias Sixtine, dans une soirée mondaine :

Cette année-là il rencontre à la fois le symbolisme dont il deviendra une des plus brillantes illustrations et celle qui va être son inspiratrice, son égérie et qui lui inspirera Sixtine : la belle et imposante Berthe de Courrière. Cette femme qui défraiera la chronique scandaleuse s'appelle tout simplement Caroline, Louise, Victoire Courrière et elle est née à Lille, rue de l'Entrepôt, le 1er juin 1852, c'est-à-dire qu'elle est l'aînée de six ans de Gourmont. Elle fait des études dans une institution libre de sa ville natale où, si elle apparaît douée pour les arts, elle n'en connaît pas moins le latin et l'italien. Lorsqu'elle a vingt ans, son père meurt, et elle vient à Paris où elle se présente à un sculpteur alors célèbre, Jean-Baptiste Clesinger, que tous les régimes qui se sont succédé depuis la Monarchie de Juillet ont honoré de commandes officielles. [...] Clesinger avait épousé une fille de George Sand dont il s'était assez rapidement séparé. Les formes généreuses de Berthe de Courrière (nous l'appellerons ainsi par politesse posthume) impressionnent à la fois l'homme et l'artiste, et il en fait sa maîtresse et son modèle, bien qu'il ait près de quarante années de plus qu'elle. Elle passera pour sa cousine, voire pour sa fille. Pendant huit années, jusqu'à sa mort, Clesinger taillera de nombreux bustes de Berthe, c'est elle la Marianne du Sénat, c'est elle aussi qui domine sous forme d'une gigantesque statue, l'Exposition Universelle de 1883 (Maurice Dubourg, « La Sixtine de Remy de Gourmont », l'Orne littéraire, n°12).

1887

L'amour fou inspire à Remy de Gourmont lettres, notes, poèmes... publiés posthumes en 1921 sous le titre de Lettres à Sixtine :

NOTE ECRITE LE 14 AVRIL 1887

De ces minutes d'ineffable et profonde joie, première caresse rendue, premiers abandons, premières étreintes, doux et crucifiants émois du désir ; de ces minutes telles que de les avoir senties c'est avoir vécu et senti la passion ; de ces minutes dont il est vain de vouloir rendre le charme surhumain, la plus pénétrante, au souvenir, c'est celle où je sentis sur mon front pâli par le désir s'appuyer sa main tiède.

........................................................................................................................

Les mots sont faibles et plient sous le poids. Rien de tel e fut jamais exprimé par aucun poète.

........................................................................................................................

Et celle qui me fit sentir cela qui sans se donner fut à moi de désir celle-là est l'inoubliable, celle qui à jamais sera aimée Tout s'efface de ce qui faisait le vague intérêt de la vie et un point reste : elle.

Il semble qu'on puisse prendre tout en patience, pourvu qu'elle vienne.

Tout peut passer, pourvu qu'elle demeure.

........................................................................................................................

Banalité toute écriture La passion s'écrit dans le sang, dans la chair et quel dieu est en vous quand on aime ainsi ! (Lettres à Sixtine)

SOUVENIRS

A propos des Lettres à Sixtine. Quelques critiques ont parlé des Lettres à Sixtine comme s'il s'agissait d'un roman par lettres, composé comme le Songe d'une Femme. Non, ces lettres sont de vraies lettres, dont les originaux portent le timbre et le cachet de la poste. Pieusement conservées par Sixtine elle-même, ces pages écrites à la minute même de l'émotion, forment le roman vécu que mon frère devait cérébraliser dans le roman qui porte le titre de Sixtine.

Dans ces Lettres, tout est vrai et spontané, et les paysages n'y sont pas des compositions littéraires, mais des notations directes du décor qui enveloppait son exaltation intérieure.

J'avais une dizaine d'années à cette époque, et je me souviens très bien du facteur apportant ces lettres quotidiennes de Sixtine, d'une grande écriture droite et aristocratique. Remy était alors dans toute la plénitude de son être et d'une telle noblesse et beauté de visage qu'on ne pouvait pas ne pas en être troublé. Il donnait aussi l'impression d'une grande force physique et d'une grande puissance de travail. Levé tôt, il travaillait dans sa chambre jusqu'à midi et couvrait de son écriture précise et sans ratures de nombreuses pages de papier. Je le revois dans cette petite chambre du Manoir, au second étage, à l'ombre d'un tilleul centenaire à travers les branches duquel on devinait le long ruban d'une avenue de hêtres en ogives, et dans le lointain l'église du village, l'église de Simone. Par une autre fenêtre, le regard tombait sur un jardin aux allées enchevêtrées d'arbres et d'arbustes, une sorte de paradou de lianes et de plantes sauvages qui déferlaient dans les sentiers comme des vagues, et, plus loin, au delà d'une terrasse que surplombait le palmes pleureuses des marronniers, un petit bois sacré, dont la masse de verdure intense se dessinait comme l'architecture d'une cathédrale sombre et gigantesque : on y entrait par une porte taillée dans l'extravagance des branches. Au fond de ce petit bois traversé par un ruisseau fragile au fond duquel les herbes couchées par le courant semblaient des chevelures soyeuses, Rémy, détournant le lit de ce ruisseau, s'était, dans l'odorante argile, taillé une île, où il venait, Robinson volontaire et momentané, lire, écrire, jardiner aussi. Il y cultivait les idées, les rêves, les framboisiers aux baies sanglantes, les seringhas qui sentent l'amour, des fleurs, des feuilles et des branches. C'est à la lisière de ce petit bois que Remy s'amusait, le soir, en compagnie de sa sœur et de ses jeunes frères, à réveiller, par la lueur subite d'une allumette, les oiseaux endormis dans les branches : « Un vlouement d'ailes de corbeau troubla l'air au-dessus des arbres. » Ce bois était le refuge, le dortoir somptueux d'une nation de corbeaux ; j'entends encore cet envol velouté qui se soulevait et retombait sur la cime des arbres dès que l'éclair s'éteignait.

A cette époque encore, à Geffosses, petite plage à quelques lieues de Coutance, vierge alors de toutes constructions, villas ou cabanes et qui était en vérité comme le fief de notre famille. Rien que des dunes, montagnes de sable d'or, et la mer, aux couleurs changeantes comme les yeux d'une femme. Là, sautant par-dessus les vagues, Remy se baignait et s'étendait sur le sable, au soleil.

La vie de la mer le passionnait : vêtu de molleton blanc, comme les pêcheurs du pays qu'il accompagnait volontiers dans leurs expéditions, il partait volontiers avant le lever du soleil à la pêche des crevettes, des images et des sensations.

C'est sans doute à cette époque, entre Merlette et Sixtine, qu'il écrivit un roman sur la mer. Ce roman est à jamais perdu. Longtemps après, Remy me raconta qu'il avait jadis porté le manuscrit de ce roman à la rédaction du Gil Blas, et qu'il n'en avait jamais entendu parler. Il ajoutait, avec une indulgente ironie : « Peut-être a-t-il paru sous un autre nom d'auteur ! »

Au moment où il écrivait, sans songer qu'elles paraîtraient un jour en volume, ces Lettres à Sixtine, Remy était « attaché à la Bibliothèque Nationale » et cet attachement lui semblait bien le plus terrible des esclavages. Il devait bientôt s'en libérer, sans l'avoir ni cherché ni voulu, rien qu'en écrivant, dans le jeune Mercure, l'article, devenu célèbre, et qui eut une telle influence sur sa carrière d'homme et d'écrivain : Le Joujou patriotisme.

J'ai gardé un souvenir ému de mon grand frère de ces temps déjà lointains, et de ses moindres gestes et de la musique de sa voix. Je le revois, parlant avec une précipitation où les mots trop pressés se heurtaient : on eût dit que les mots, trop lents, ne pouvaient suivre le courant de la pensée. Il hochait la tête par saccades rythmées pour faire jaillir les mots arrêtés dans sa gorge par une contraction nerveuse. Sa barbe, châtain doré, faisait alors dans l'air un battement d'aile qui se déplie. Je l'écoutais parler et je sentais inconsciemment l'aimant irrésistible qui m'attirait dans son atmosphère intellectuelle (Jean de Gourmont, Imprimerie gourmontienne, n°5, 1922 ; repris dans Souvenirs sur Remy).

Ce roman sur la mer à jamais perdu, est-il celui évoqué dans « Un carnet de notes sur Villiers de l'Isle-Adam » (Promenades littéraires) ?

J'allai avec lui au Gil-Blas. Nous voulions offrir à Guérin, le Guérin-Ginisty de la Fange (comme on se juge !) un roman que je venais de finir. Villiers recommande le manuscrit du ton le plus équivoque, assurant que c'était mondain, sensuel, pervers, plein de soupers, de fêtes et de courtisanes, ce qui était bien loin de la vérité. Il affectait d'ailleurs devant ces hommes la plus singulière attitude, les accablant de saluts, de compliments, se glissant en humble collaborateur, heureux d'évoluer parmi tant de maîtres. C'était sa manière de mépriser.

Est-ce Patrice, dernier du nom, annoncé comme du même auteur et sous presse ou en préparation dans Sixtine et mentionné à plusieurs reprises dans les futures Lettres à Sixtine ?

De cette vieille ville de Coutances,
Samedi, 10 septembre, 4 h.

[...] Déjeuné chez un brave homme de poète [Paul Blier ?] non sans talent, mais un peu provincialisé. Une fête pour lui et pas un moment désagréable pour moi (Lettres à Sixtine, p. 151).

Geffosses, Dimanche 11 septembre, 4h.

Couché dans le sable, dans les dunes, à l'abri du vent. Par une échancrure, je vois la mer glauque sous le ciel, sous le ciel laiteux ; à l'horizon, après une bande sombre, Jersey se détache dans un bleu de brume. Le sable chauffé par une journée de soleil me brûle et m'amollit ; il y a comme des baisers dans l'air, et les vains désirs se fondent en une tristesse. Le halètement sourd du reflux engourdit la pensée, de même que les effluves salines aiguisent les sens. L'hallucination vient : Tu surgirais tout d'un coup d'entre les grandes herbes des dunes que je n'en serais pas étonné. C'est aussi que j'ai beaucoup vécu avec toi aujourd'hui. Je fus à la messe ce matin, il y avait de l'orgue et toute notre vie dans les églises a surgi devant moi, depuis ce vendredi du Stabat jusqu'au jour des jacynthes.

Le creux de sable où je suis étendu se peuple de ta forme ; tu sors de l'eau ruisselante, étincelante au soleil, comme Astarté, ou tu t'allonges sur la dune, le vent couvrant de sable menu ta peau ivoirée.

Mes sens s'irritent ; d'ailleurs, je suis un peu énervé ; je dors fort mal, passant tous mes rêves avec toi, ce qui n'est pas calmant du tout.

Cette solitude de la mer est terrible ; en deux heures on est las d'esprit, sans autre lucidité que des sensations lancinantes ; toute l'âme est chair. Ceux qui trouvent que ça élève l'âme à Dieu n'ont pas le crâne fait comme moi ; à Trouville, peut-être, à cause du casino, mais pas à Geffosses, où je suis la seule nature respirante, en face du flot bleu. C'est vers toi qu'en un désir fou elle va, affamée de baisers. Oh ! ce creux dans les dunes, encore un endroit où j'ai semé un des petits cailloux blancs, que j'ai emportés, comme le Petit-Poucet, pour retrouver le chemin de mes désirs.

De longtemps, d'ailleurs, je fus obsédé par cette fantaisie, et je l'objectivai une fois, mais à l'état de désir seulement dans Patrice. Ainsi ai-je fait souvent ; ce que je ne pouvais réaliser, je l'écrivais. Et voilà pourquoi je n'écrirai peut-être plus de roman d'amour ; on n'écrit bien que ce qu'on n'a pas vécu. Ceci n'est pas l'opinion commune, mais vois, Balzac ne vécut jamais qu'en imagination. Ce sont deux cases très différentes, la littérature et la vie ; on ferait un chapitre là-dessus s'il y avait des gens pour le lire.

-- Voilà des cockneys qui arrivent et des femmes d'une esthétique médiocre vont apparaître dépouillées de leur corset (il n'est pas donné à tous d'avoir une femme avec laquelle on peut railler le corset), spectacle d'un intérêt très ordinaire.

Je me vautre vêtu de molleton blanc ; j'en apporterai la vareuse qui avec un liseré rouge ou bleu ne lui déplaira peut-être pas comme vêture pour la maison.

Le soleil baisse, le vent devient frais et cela m'apaise. Je n'ai pas pris de bain, ne voulant pas aggraver un léger mal de gorge. Puis la mer est loin, très basse et je manque un peu d'entrain.

A nous deux nous y serions si bien. Ceci est un rêve très réalisable ; sinon à Geffosses. Il n'y a pas des tantes sur toutes les plages de France.

On aurait pu, s'il n'y a pas encore de décision au sujet de Patrice, communiquer Merlette. Un volume déjà paru peut décider en montrant qu'on n'est pas absolument un débutant. (Lettres à Sixtine)

Dans l'article de Gregh, cette remarque étonnante de vérité : « On écrit avec son caractère autant qu'avec son esprit. » Et justement c'est ce qui fait l'intérêt d'un style, quand on y retrouve le caractère et l'esprit de son auteur. Je n'ai guère de sympathie pour Gregh mais son article est excellent. Ailleurs, une chose qui me paraît être une assez belle contradiction, ou erreur (page 78). L'auteur raconte qu'ayant un jour cité à Proust ce mot de Gourmont : On n'écrit bien que ce qu'on n'a pas vécu, ce qui n'est guère qu'un paradoxe Proust s'écria : « Cela, c'est toute mon œuvre ! Or, l'œuvre de Proust me semble bien être avant tout une sorte d' œuvre de mémorialiste. S'il n'a pas vécu, au sens exact du mot, les aventures qu'il raconte, les circonstances qu'il dépeint, il les a apprises sur le compte de tiers, il a fait ses personnages avec des gens qu'il a connus, observés, fréquentés. Il y a dans son œuvre ses souvenirs d'enfance et ses souvenirs du milieu dans lequel il a vécu. A une autre page, on met en évidence (page 188) que la mémoire a été le fondement de son œuvre. Mémoire entend choses vues, observées, apprises, entendues, surprises, choses réelles qu'elles soient du domaine physique ou du domaine de l'esprit, du domaine de la société ou du domaine des arts, et tout de même, toutes ces choses, c'est là une façon de les avoir vécues. Le titre de son œuvre lui-même est significatif : A la recherche du temps perdu. Cela veut dire : Le temps qui a été et qui n'est plus, qui est passé. Le mot de Gourmont ne tient pas et il tient encore moins appliqué à Proust (Léautaud, Journal littéraire IV, Mercure de France, 1957).

1889

Fait la connaissance de Villiers de l'Isle-Adam :

Gourmont fit la connaissance de Villiers en 1888. dans une première lettre du 18 janvier 1888, il demande la permission d'aller voir Villiers à propos d'une traduction de l'Eve future que voulait entreprendre le critique anglais, Arthur Symons (G. Rees, p. 69).

Je connus Villiers à la Bibliothèque Nationale, où, j'étais alors attaché au service public. Il y venait peu, car il lisait en son imagination plutôt que dans les livres ; mais, à moment-là, il désirait quelques notions précises sur la vie de Milton, pour ses Filles de Milton, qu'il ne devait esquisser que plus tard et qu'il me fut donné de publier, après sa mort. Assez nerveux, il attendait les livres requis et personne ne compatissait à son impatience, car son nom ne donnait aux bibliothécaires que la vague impression de syllabes historiques. Je pus venir à son secours, mais trop tard ; les livres entrevus, il les fit conserver pour le lendemain : il ne revint qu'après trois mois.

puis, par son intermédiaire celle de Huysmans :

Je connus Huysmans vers la fin de l'année 1889. Ayant écrit Stratagèmes, un conte qui semblait idoine à charmer l'auteur d'A Rebours, et que je désirais lui dédier, je m'acheminai bravement, sans nulle recommandation, vers le ministère de l'Intérieur. Après beaucoup de cours, d'escaliers et de couloirs, on m'indiqua une porte. De cette première entrevue je ne me rappelle qu'une chose, c'est que l'accueil fut cordial. Sans faire grande attention au manuscrit que je lui présentais, Huysmans acquiesçait à ma demande, puis roulant une cigarette, me considérait de son œil de chat, en développant d'amères considérations sur la veulerie de la littérature présente. Je crois que c'est Villiers de l'Isle-Adam qui m'avait envoyé. Ce nom que je murmurai, ne fut pas étranger sans doute à l'affabilité de Huysmans. Cela jetait entre nous un pont, cela nous donnait un sujet de conversation, cela déterminait la qualité de l'atmosphère littéraire. Huysmans avait pour Villiers une admiration profonde et beaucoup d'affection. Je restai longtemps. Il me retenait debout près de la porte. Quand il était las d'écrire, l'ennui, disait-il, l'accablait dans ce bureau morne. Il m'engagea à revenir. Ce fut le début d'une liaison qui devait durer deux ou trois ans (Remy de Gourmont,« Souvenirs sur Huysmans », Promenades littéraires, troisième série).

Fondation du Mercure de France :

Au courant du mois de décembre de cette année-là, un de mes amis de la Bibliothèque nationale, Louis Denise, qui voulut oublier la poésie par amour pour les oiseaux, me demanda sans guère de préambule si je ne voulais pas m'associer à quelques jeunes gens qui fondaient une petite revue douée de ce titre archaïque le Mercure de France. J'acquiesçai (Promenades littéraires).

1890

Voyage en Hollande et en Belgique :

En cette année 1890 se place pour Remy de Gourmont un de ses voyages les plus fructueux pour son futur spirituel, « trois jours qui ont fini par devenir trois semaines ». Ses impressions, des lettres adressées au compagnon de Caen, Emile Barbé, nous les révèlent dans leur premier feu : « La Hollande, canaux, ballots, bordels, musées. Nul Descartes, nul Bayle, pas de livres, rien qu'une intelligence pratique diffuse dans des livres de caisse... Toujours pas de liberté ; la douce licence règne : le soir, les brasseries sont divisées en deux par un rideau ; dans le fond on mange à la lumière ; sur le devant en boit par couples dans les ténèbres en regardant passer les gens dans la rue illuminée... les musées, c'est Rembrandt, les Van 0stade, Piter de Hooghe, et à Harlem Franz Hals, la plus étonnante peinture, la plus vivante, la plus vraie. Mais rien ne vaut les Flandres, les primitifs d'Anvers. Memling et quinze inconnus peintres de génie qui méprisent même la gloire... le mysticisme, c'est en Flandre, sous un ciel gris mais clair, dans une douce luminosité éclairée encore par les tons vifs des maisons peintes, parmi les habitudes d'une propreté parfaite, c'est là qu'il a le plus hardiment vécu, qu'il vit encore... » (Legrand-Chabrier, p. 8)

LA DOUCE HOLLANDE

C'est un pays charmant que cette Hollande d'où M. Fallières revient après avoir été si bien reçu. Tous ceux qui ont voyagé par là en ont gardé le meilleur souvenir. Qui voudrait oublier Amsterdam, la ville du silence ! Les Hollandais ont trouvé le moyen d'être à la fois un des peuples les plus actifs de la terre et le plus calme. On ne sait comment s'y font les affaires et les travaux, car on n'entend nul bruit, on ne voit aucun signe de précipitation. Tout se passe comme s'il ne se passait rien, et il se passe pourtant beaucoup de choses, mais il est de la nature de ce peuple d'accomplir toutes ses besognes sans bruit : on pense à des fourmis. Quand j'étais à Amsterdam, il y a quelque vingt ans, et j'aime à croire que la tradition en est respectée, toutes les voitures, vers sept heures, disparaissaient de la circulation, et le peuple en toute liberté se répandait joyeusement et silencieusement par les rues ; la joie y était aussi tranquille que le labeur. Ce sont des mœurs vraiment loin des nôtres. Les brasseries du vieil Amsterdam ne sont pas éclairées et les buveurs jouissent en toute tranquillité du mouvement des promeneurs qui passent devant eux sans les voir. Parmi ces buveurs, il y a beaucoup d'amoureux, je crois même que c'est en leur honneur qu'on use de tant de discrétion. J'ai vu encore bien d'autres traits curieux, par exemple des églises où on faisait la queue comme au théâtre, les derniers fidèles arrivés s'agenouillant tranquillement sur les trottoirs ! C'est un pays de liberté. Chacun fait ce qui lui plaît, pourvu qu'il le fasse sans bruit et sans dommage pour les autres. C'est un pays de douceur et il n'est pas jusqu'à l'air qui n'y prenne, surtout en automne, des qualités uniques de charme et de transparence, remplacés, quand tombe le soir, par la majesté éclatante et tumultueuse de couchers de soleil comme on n'en voit que dans les pays humides, par des féeries telles que mon œil les voit encore. On parle toujours des Musées de la Hollande. Ils sont beaux sans doute et Rembrandt est impressionnant, mais l'atmosphère de soie, mais les couchers de soleil de pourpre et d'or, le long des digues du Helder, où bat sourdement la mer domptée, quel musée est comparable à celui-là ? (Le Puits de la vérité, 1922)

Publication de Sixtine chez Savine. A cette occasion, comme pour marquer son entrée en littérature « Rémy » devient « Remy ». A prononcer comme « Domremy », si Domrémy-la-pucelle s'écrivait et se prononçait comme il devrait l'être ?

1891

Avril : publication dans le Mercure de France du « Joujou patriotisme ». Révoqué par le directeur de la Bibliothèque Nationale, Léopold Delisle, originaire de Valognes (Manche).

15 août

Revu Huysmans jeudi dernier. Il était accompagné de M. Remy de Gourmont. (Journal de l'abbé Mugnier (1879-1939), Mercure de France, 1985, p. 63).

30 octobre

Lundi dernier, MM. Remy de Gourmont et Huysmans sont venus chez moi. Remy de Gourmont est timide. Sa conversation n'a pas la verve spirituelle de celle de Huysmans. Il espère qu'une revue de Belgique imprimera son livre sur la poésie latine et chrétienne. Il compte en consacrer un autre à la prose. Il rêve aussi d'écrire sur les hérésies. Ce sujet l'attire. Il s'étonne que le clergé ait si peu de goût pour les Pères et la théologie (Journal de l'abbé Mugnier (1879-1939), Mercure de France, 1985, p. 64).

26 novembre

Remy de Gourmont m'a dit que Mallarmé était un admirable causeur, que Villiers de l'Isle-Adam détestait Renan, et que son ouvrage l'Eve future est à lire - qu'on ne tire que des médiocrités des tables tournantes (l'une d'elles était d'un charretier qui demandait à boire) (Journal de l'abbé Mugnier (1879-1939), Mercure de France, 1985, p. 65).

11 décembre : représentation de Théodat par le Théâtre d'Art de Paul Fort :

Cette soirée fut mémorable. On y récita devant des décors d'Ibels et de Maurice Denis trois fragments de Fier-à-bras, Berte au grand pié et Roland ; on y donna les premières représentations des Aveugles de Maeterlinck, du Concile féerique de Jules Laforgue, du Cantique des Cantiques de Roinard, avec orchestration musicale, lumineuse et odorante (le programme expliquait la concordance des sons, des voix, des couleurs et des parfums) et enfin de Théodat. C'est une pièce fort simple et pleine de majesté, où l'on voit un évêque gallo-romain se laisser reprendre par les caresses de son ancienne femme. Lugné-Poe et Melle Camée interprétèrent les rôles de Théodat et de Maximienne (Pierre de Querlon, Remy de Gourmont, pp. 9-10).

Il est vraiment miraculeux que Paul Fort, inconnu, sans expérience, presque sans ressources, ait pu fonder et entretenir pendant près de quatre années une entreprise théâtrale, même aussi dépourvue de luxe que le théâtre d'Art. Mais que d'enthousiasme en lui, que de bonnes volontés ! Ses décorateurs s'appelaient Maurice Denis, Gauguin, Bonnard, Séruzier ! Je possède encore la maquette du décor et des costumes de Théodat, par Maurice Denis, qu'il ne fut pas possible d'exécuter selon toute sa splendeur. Finalement la toile de fond fut composée d'une légère draperie jaune semée de lions rouges que Mme Paul Fort (car cet être extraordinaire avait trouvé moyen de se marier parmi tous ses tracas) voulut découper et coudre elle-même. Je la vois encore, charmante et appliquée, dans son petit logis d'Asnières, travaillant pour le grand art, collaboratrice de nos chimères ! Ce sont ces pièces, les Aveugles, Théodat, le Concile féerique, dont Sarcey, qui ne manquait pas une de ces fêtes, disait doucement dans son feuilleton suivant : « Ces farces d'atelier nous menèrent jusqu'à deux heures du matin. » (« Paul Fort » , Promenades littéraires, 4° série)

1892

Fait la connaissance de Léon Bloy au Café de Flore. (Rees, p. 86)

20 mai

Vu Remy de Gourmont dans son modeste intérieur de la rue du Bac. Sa robe de chambre est un froc de capucin. Son Latin mystique est lent à paraître ; faute de l'éditeur. Des exemplaires seront en papier violet-évêque et rouge-cardinal. « On ne s'intéresse pas à la littérature aujourd'hui », me répète-t-il d'une voix timide et légèrement bégayante. La littérature consiste à écrire, sur du papier extravagant, à l'usage de quinze maniaques (Journal de l'abbé Mugnier (1879-1939), Mercure de France, 1985, p. 75).

Léon Bloy fit la connaissance de Rémy de Gourmont en 1892, au café de Flore, à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Benoît, où se réunissaient certains soirs des hommes de lettres et des artistes. Ce fut de Groux ou Huysmans qui les présentèrent l'un à l'autre. Bloy allait publier Le Salut par les Juifs. Il vit en Rémy, plus jeune que lui, mais déjà connu et installé dans le monde littéraire, un auxiliaire pour le "lancement" de son livre. Il lui écrivit aussitôt :

Antony (Seine)
4, place du Carrousel
12 sept. 92.

Mon cher Monsieur de Gourmont.

Je pars tout à l'heure pour Paris et je vais prendre chez le brocheur quelques exemplaires du Salut par les Juifs destinés à quelques intimes... seulement.

Car il est entendu que la mise en vente aura lieu le 19 septembre seulement, jour choisi par moi pour une raison très singulière que je vous dirai [1].

Je suis à peu près sûr que le Mercure ne sera devancé par personne. On a pris des précautions pour qu'aucune feuille ne soit donnée à aucun journaliste. Je veux croire qu'il n'y aura pas d'infidélité.

Naturellement, vous êtes désigné dans la très parcimonieuse distribution préalable et je serais vraiment très heureux de vous offrir moi-même mon papier, ce soir, vers six heures, au Flore, si vous pouviez y venir.

Vous êtes un homme supérieur et un opprimé. Pourquoi ne vous aimerais-je pas ?

Votre Léon Bloy.

[...] Le lendemain, Rémy répondait à Bloy :

J'ai eu le crève-cœur, cher Monsieur, de ne trouver votre lettre que le soir à 9 heures. Merci de votre bonne parole. Moi aussi, j'ai pour vous plus que des sentiments littéraires. Quant à la date du 19, je crois que c'est bien, pourvu qu'il n'y ait pas de préalable indiscrétion. Je serai au Flore jeudi et samedi. Si vos affaires vous évoquent en ce quartier, vous m'y trouverez. Croyez-moi bien à vous.

Rémy DE GOURMONT.

Quand Le Salut par les Juifs parut, Rémy reçut un exemplaire orné de cette dédicace :

A Rémy de Gourmont,
de sterquilinio.

Léon BLOY.

Bloy aurait pu se contenter d'écrire : « de stercore », se souvenant, lui à qui les psaumes étaient familiers, du « et de stercore erigens pauperem » (PS. 112, v. 6). N'était-il pas précisément ce pauvre, destiné à être tiré du fumier pour être placé dans la compagnie des princes ? Mais il ne trouve sans doute pas le terme assez fort. Il a peut-être trouvé le mot sterquilinium dans Job. En bon français, « de sterquilinio », c'est, sauf respect, quelque chose comme : « du fond de la fosse d'aisances ».

Rémy de Gourmont fut émerveillé par Le Salut [et fit des] annotations marginales au crayon, dont on remarquera le crescendo admiratif (P. Arrou, « Léon Bloy et Remy de Gourmont », Cahiers Léon Bloy, novembre-décembre 1931, pp. 46-47).

(1) Anniversaire de l'apparition de la Salette.

6 octobre : « suprême adieu » à G.-Albert Aurier :

Si un souvenir, plus tard, peut mêler quelque douceur à l'inconsolable chagrin de ses proches, ce sera celui des affections et des sympathies que laisse notre ami Albert Aurier. De cela témoignent la foule d'écrivains et d'artistes qui vinrent à la gare d'Orléans, le jeudi 6 octobre, pour un suprême adieu, et le nombre des amis d'enfance et de collège qui, à Châteauroux, l'accompagnèrent jusqu'au caveau de famille où maintenant il repose.

A la gare d'Orléans, des couronnes ont été déposées par MM. Paul Vogler — l'ami avec qui Aurier fit à Marseille ce voyage au retour duquel il s'alita — Remy de Gourmont, Le Barc de Boutteville, puis par Un groupe d'amis, les Essais d'Art Libre, la rédaction du Mercure de France, etc.

Parmi les personnes présentes, nous avons reconnu MM. Edouard Dubus, Remy de Gourmont [...] (Mercure de France, novembre 1892).

1894

Fait la connaissance d'Alfred Jarry :

Gourmont et Jarry se rencontrèrent pour la première fois dans les salons du « Mercure de France » où se tenaient les Mardis de Rachilde, à une date qu'on ne peut préciser : probablement début 94 (Henri Bordillon).

Octobre : fonde avec Alfred Jarry la revue de l'Ymagier (7 numéros). Jarry ne participera à la direction que des cinq premiers.

Le Dictionnaire biographique de la Manche consacre une notice aux deux cousins Olivier et Remy de Gourmont. Ce dernier est présenté comme ancien élève de l'Ecole des Chartes. C'est la première fois que je vois associés les deux noms de Remy de Gourmont et de l'Ecole des Chartes. Nous ne savons rien des premiers temps du séjour parisien de Remy de Gourmont, mais il serait logique que l'auteur du Latin mystique et de l'Esthétique de la langue française fût lié d'une façon ou d'une autre à l'Ecole des Chartes.

GOURMONT (Olivier-Charles-Marie, marquis de), né à Coutances, le 3 février 1857.

Docteur en droit de la Faculté de Caen.

Secrétaire de la rédaction du Recueil général des lois et des arrêts (recueil Sirey).

GOURMONT (Rémy de).

Ancien élève de l'Ecole des Chartes.

M. Rémy de Gourmont est un des fondateurs du Mercure de France, revue mensuelle de littérature et d'art.

Il y publia jadis un article : le Joujou patriotisme qui fit un beau tapage en son temps.

On doit à M. Rémy de Gourmont :

Le latin mystique. – Lilith. – Litanies de la Rose. – Sixtine. – Le fantôme. – Les Canadiens de France. (Dictionnaire biographique de la Manche, Henri Jouve Editeur, 1894)

1895

Juin : débuts de Léautaud au Mercure de France.

J'ai débuté au Mercure en juin 1895. Vallette à qui je dois tout de ma carrière d'écrivain, m'avait déjà pris en intérêt, et je passais avec lui, dans son petit appartement de la rue de l'Echaudé, tous les dimanches, de trois heures à sept heures (Léautaud, Correspondance 2, p. 1094-1095).

Septembre (?) : rupture de Gourmont et de Jarry. Voir aussi Henri Bordillon.

1896

Cliquez sur suite

1897

Cliquez sur suite

1898

Cliquez sur suite

1902

Cliquez sur suite

1904

Cliquez sur suite

1907

Cliquez sur suite

1908

Cliquez sur suite.

1909

Cliquez sur suite.

1910

Rencontre Natalie Clifford Barney, l'Amazone.

Mlle Barney fut l'égérie de Remy de Gourmont, et cette amitié singulière a passé dans la légende. Le jeu de ces deux esprits inspira d'autres écrivains.

Edouard Champion amena miss Barney chez Remy de Gourmont. Celui-ci vit son héroïne préférée entrer chez lui, parler et sourire comme le font d'habitude les êtres vivants. Il est naturel que son étonnement se transformât bientôt en vénération amoureuse. Des imaginations grossières et courtes prétendent que cette vénération ne pouvait subsister sans l'apport d'un corps à corps charnel. Or ce fait abolit justement toute vision ; une béate satisfaction physique alourdit l'exaltation cérébrale. Pétrarque aima Laure de fort loin. L'attente d'un être cher dans les mille formes qu'il peut prendre à travers un entretien, son départ, provoquant des résonances suffisantes pour remplir les songeries d'un vieux philosophe.

Mlle Barney unissait à la grâce coupante d'une Américaine (Salomon Reinach l'appelait the wild girl of Cincinnati) les nonchalances palestiniennes. Puis elle est supérieurement oisive à une époque où la plupart des femmes ressemblent à des généraux. Elle fut l'animatrice d'un grand nombre d'esprits éminents qui au cours des années se succédèrent auprès d'elle, des diplomates, des membres de l'Institut, des poètes, Valéry et Milosz, des écrivains et des artistes (E. de Gramont, Souvenirs du Monde de 1890 à 1940, Grasset, 1966, p. 247).

22 juin

22 juin 1910. — On a lu au Salon des Poètes, deux poèmes A Simone [sic], de Remy de Gourmont, qui ont paru d'une agréable fraîcheur. Jules Romains, Georges Duhamel, Charles Vildrac... ont, avec des vers audacieux, forcé les applaudissements d'un public timide (Alain-Fournier, Chroniques et critiques, Le Cherche Midi, 1991, p. 34).

1er octobre

1er octobre 1910. — L'Epilogue, de Remy de Gourmont, a pour titre La Jeune Littérature et répond à la question que posait L'Intransigeant : « Quel intérêt portez-vous à la jeune littérature ? » [...] (Alain-Fournier, Chroniques et critiques, Le Cherche Midi, 1991, p. 78).

20 juillet

Carte postale envoyée à Natalie Barney : Saint-Adrien. La Chapelle et les Roches Blanches.

Hommages champêtres de R. de Gourmont et vifs regrets d'avoir manqué une visite qu'il désire toujours (Lettres intimes à l'Amazone, 1927).

30 septembre

Vendredi 30 Septembre. — Parlé avec Vallette, Dumur et Morisse de l'élection possible de Gourmont à l'Académie Goncourt. « Ce serait un beau fauteuil, ai-je dit. Huysmans, Renard, Gourmont. » (Paul Léautaud, Journal littéraire).

Octobre

Octobre 1910

Pas d'Odéon. Cela ne se pourra. J'ai dû arranger une combinaison de loge avec des personnes de ma famille, une pauvre loge du deuxième étage. On n'a trouvé que cela. Champ. pourra y venir, j'espère (Lettres intimes à l'Amazone, 1927).

7 octobre

7 octobre 1910. — Pseudonymes. On sait que M. Remy de Gourmont, candidat à l'Académie Goncourt, représentera, chez les Dix, le roman, la poésie, le théâtre, la critique, la philosophie, la sociologie et divers autres genres littéraires. Mais on ignore généralement qu'il doit représenter aussi plusieurs personnalités mystérieuses. Citons entre autres, Jules Delassus, qui signa Incubes et Succubes ; Dréxelius et Melle Lucile Dubois. Ce sont les pseudonymes les moins connus de l'auteur du Livre des Masques. (Alain-Fournier, Chroniques et critiques, Le Cherche Midi, 1991, p. 39)

13 octobre

13 octobre 1910. — [...] La Question « Emile Faguet contre Baudelaire ». M. Remy de Gourmont donne au Temps, des notes intitulées Souvenirs du Symbolisme. Dès le début de ces notes, il évoque les trois écrivains pour lesquels il a toujours gardé l'admiration la plus haute : Villiers de l'Isle-Adam, Baudelaire et Mallarmé. Il fait allusion, au passage, à l'article de M. Emile Faguet sur Baudelaire, et reprend contre le critique l'apostrophe célèbre de M. Guizot : [...] (Alain-Fournier, Chroniques et critiques, Le Cherche Midi, 1991, p. 189)

12 novembre

12 novembre 1910. Un Témoignage. M. Remy de Gourmont ne croit pas à la décadence du français, qu'a dénoncée M. Faguet : Je reçois, dit-il dans le prochain numéro du Mercure de France, et je parcours maintes petites revues, rédigées par de jeunes gens : je ne vois aucunement que la qualité d'écriture ait diminué en ces dernières années [...] (Alain-Fournier, Chroniques et critiques, Le Cherche Midi, 1991, p. 189).

22 décembre

22 décembre 1910. — La Crise du français. MM. Anatole France, Paul Adam, Octave Mirbeau, Remy de Gourmont, René Bazin, Jules Claretie, Emile Ollivier, Emile Faguet, René Doumic, J.-H. Poincaré, Henri Lavedan, Henry Bernstein, André Rivoire, Louis Artus, Paul Acker, Eugène Montfort, Francis de Croisset, Louis Bertrand, Jean Viollis, etc., etc., ont signé la pétition que Les Marges adressent au ministre de l'Instruction publique [...] (Alain-Fournier, Chroniques et critiques, Le Cherche Midi, 1991, p. 194).

27 décembre

27 décembre 1910. — [...] « Souvenirs du Symbolisme ». C'est de Jean Moréas que M. Remy de Gourmont évoque, cette fois, le souvenir. Et dans ces souvenirs, nous trouvons un jugement — et comme le dit M. de Gourmont lui-même, mieux qu'un « jugement », un « témoignage » — sur lequel les critiques futurs n'auront pas sans doute à revenir : [...] (Alain-Fournier, Chroniques et critiques, Le Cherche Midi, 1991, p. 314).

1911

Cliquez sur suite.

1912

23 mai

Jeudi 23 Mai. — Tantôt visite de Mme de Courrière à mon bureau, affairée, désordonnée, volubile en diable, ses toilettes extravagantes, son visage couperosé, son nez toujours à moucher. Propos amers, sur les Gourmont. Sur Remy surtout, « l'Ours », « l'homme supérieur ». Besoin de s'épancher.

« J'ai dépensé cent cinquante mille francs pour lui. Depuis vingt ans que je fais marcher la maison, je trouve qu'il pourrait bien m'en savoir gré. Il est vrai que j'ai la consolation de me dire que j'ai donné un grand écrivain à la France. Je ne dis pas que j'ai encore de l'argent. II me le mangerait. Jean ! Il sait faire le joli cœur. C'est tout. Si vous saviez tout ce que j'entends ! J'ai en ce moment un grand procès... Si vous saviez les cris à ce sujet ! « Comment ! Vous avez affaire à la justice. Je ne veux pas vivre avec des gens qui ont affaire à la justice. Vous allez encore avoir un procès ! Sait-on jamais où on va ! C'est l'arbitraire ! C'est l'arbitraire ! » Je ne peux pas le mettre dehors. Personne ne voudrait de lui. Il faut bien quelqu'un pour le soigner. Il a beau faire des ronds de jambe, faire l'homme léger. Pas moyen de lui parler. Il ne veut rien entendre, ne veut recevoir personne. » (Paul Léautaud, Journal littéraire).

1913

Mort du père de Remy de Gourmont.

1914

Cliquez sur suite

1915

Cliquez sur suite

1916

Juin : mort de Sixtine.

1921

7 avril : à la Salle de la rue du Musée, à Niort, M. Deberne, avocat, a fait une conférence sur « Remy de Gourmont » (Imprimerie gourmontienne, n° 3, 1921).

1922

24 septembre : inauguration du buste de Gourmont dans le jardin public de Coutances.

Il faut remonter à l'année 1922 pour connaître l'origine de l'aérodrome de Lessay et beaucoup seront surpris d'apprendre que sa création avait été liée à la littérature et à Rémy de Gourmont en particulier, cet écrivain coutançais qui faillit d'ailleurs donner son nom au terrain d'aviation. Voici en quelles circonstances (8) :

Le dimanche 24 septembre 1922, devait avoir lieu à Coutances, en présence de nombreuses personnalités du monde littéraire, l'inauguration d'un buste en l'honneur de l'écrivain Rémy de Gourmont (9). Mme Louise Faure-Favier, collaboratrice au journal parisien le Temps, eut l'idée de faire survoler la cérémonie par un avion qui déverserait sur la ville des milliers d'exemplaires de l'un des poèmes de l'auteur coutançais intitulé « la Forêt »,au moment de l'enlèvement du voile traditionnel.

Le samedi après-midi, la journaliste s'envolait du Bourget en direction de Coutances, à bord d'un avion Farman F-90 piloté par André Marc. En l'absence d'aéroport dans la région, l'avion se posait sur le champ de foire de Lessay. Après un atterrissage assez difficile, l'équipage abandonnait l'appareil pour rejoindre Coutances en voiture.

Le lendemain matin, retour à Lessay pour le vol prévu. Malheureusement, c'est la panne. Une défaillance de la magnéto empêche le décollage et il faut attendre le lundi pour demander à Paris pièce de rechange et mécanicien. Durant ce temps d'immobilisation forcée, l'appareil attirait bien des curieux et l'on vit même les enfants des écoles, amenés par leurs instituteurs, défiler devant cet engin qu'ils voyaient pour la première fois et assaillir de questions le pilote et sa passagère. Pour tromper son attente, Mme Faure-Favier visitait l'abbaye puis décidait de rendre visite au maire de la bourgade, M. Fauvel, pour lui faire part de l'idée qui lui était venue : la construction dans la lande de Lessay d'un aérodrome qui desservirait tout le Cotentin, aérodrome qui, proposait-elle, pourrait porter le nom de R. de Gourmont. M. Fauvel accueillit l'idée très favorablement d'autant plus qu'il avait été le camarade d'enfance de R. de Gourmont avec lequel il se rendait fréquemment à Geffosses où demeurait sa tante Mme de Longueval. Que l'ordre nous vienne du gouvernement, conclut-il, et nous nous mettrons à la besogne. L'aéroport de Lessay sera vite achevé. »

Le lendemain, l'avion remis en état repartait pour Paris, non sans avoir lâché, avec quelque retard il est vrai, environ 3000 poèmes au-dessus de la cathédrale.(Michel Pinel, Lessay et son canton, pp. 342-343)

(8) D'après le Mercure de France du 15 mai 1936, p. 209 à 216.

(9) Rémy de Gourmont : écrivain, essayiste et poète français, né en 1858, qui passa sa jeunesse à Coutances.

1923

Mort de Marie de Gourmont.

9 janvier 1924, de Jean et Suzanne de Gourmont :

« Je vous revois encore, cher Campa, lisant à Marie, à « Sainte Marie de Gourmont » comme l'appelait Remy, votre si émouvant article sur Remy : « elle » en avait été si touchée et avait tant aimé votre affectueuse délicatesse et aussi votre orgueilleuse amitié dévouée pour son frère, le compagnon de sa jeunesse. Hélas, pour moi, c'est le dernier lien avec le passé qui est coupé, le dernier refuge des souvenirs qui va être submergé Après tant d'autres demeures la petite maison (de Coutances) va se vider de ses chères épaves. Il faut encore vider ce nouveau calice d'amertume qui fait plus douloureuse encore la perte d'une sœur un peu maternelle... »

(Lettre de Jean et Suzanne de Gourmont au docteur Paul Voivenel, reproduite par ce dernier dans La Courbe, p. 164)

1924

9 mai : inauguration de la plaque commémorative rue des Saints-Pères :

Le 9 Mai 1924, à 10 h ½ du matin, la Municipalité de Paris inaugura une plaque commémorative apposée sur la maison portant le n°71 de la rue des Saints-Pères où Remy de Gourmont habita de 1898 à 1915. Nombreuse assistance recueillie. Discours sur la voie publique et vers. Compte-rendu officiel au Bulletin Municipal du lendemain. Juste hommage rendu à cet homme de cabinet au lieu même de son cabinet (Legrand-Chabrier, p. 15).

Vendredi 9 Mai. -- Ce matin, à 10 heures et demie, cérémonie de la plaque sur la maison de Gourmont, 71, rue des Saints-Pères. Cela s'est fort bien passé. Un discours de Léon Riotor, dans lequel il s'est mis le plus possible en valeur. Un discours du Président du Conseil municipal. Répertoire connu. Un discours du Secrétaire général de la Préfecture de la Seine. Rien de nouveau non plus. Un discours de Georges Lecomte, comme Président de la Société des gens de lettres. Celui-là carrément au-dessous de tout : clichés, répertoire, c'est le discours en série qui peut s'appliquer à n'importe quelle célébration littéraire. Relevé cette perle : « le domaine incertain de l'hypothèse ». Un sonnet de Régnier, très bien, dit à la perfection (une perfection de simplicité) par Gémier. Un long discours de Jules de Gaultier : philosophie, métaphysique, etc. Bien plus un morceau de livre qu'un discours. Je ne puis croire que ces grandes questions ne pourraient être dites en style clair et résumées en quelques traits saillants, mais je n'ai pas la tête métaphysique, je le reconnais. Ensuite, une allocution de Dumur, parfaite en tous points, sur l'identification du Mercure et de Gourmont, et cela en pas plus de dix minutes. Pour terminer, un poème de Ch.-T. Féret, brave homme extrêmement sympathique.

La cérémonie s'est passée dans la rue, barrée à cet effet, une estrade posée à quelques mètres de la maison. Assez de monde. Une fort jolie femme, qui tenait en laisse un berger allemand, et dont je n'ai pu savoir le nom, a distribué le sonnet de Régnier imprimé sur beau papier.[...]

La cérémonie terminée, on est monté chez Jean de Gourmont. Champagne et gâteaux. [...]

Ceux des assistants qui ont connu Gourmont ont été invités à monter chez lui, dans son appartement conservé tel quel depuis sa mort. Je suis monté en même temps que Vallette et Rachilde (Paul Léautaud, Journal littéraire).

Juin-juillet : « Exposition Gourmontienne de Juin 1924 en la librairie de la Sirène ». (Legrand-Chabrier, p. 6)

Une Exposition Remy de Gourmont. Le vendredi 20 Juin 1924 a été inaugurée une exposition de souvenirs gourmontiens organisée par la librairie « La Sirène ». On avait réuni là des portraits de Remy de Gourmont par Henry de Groux, Hélène Dufau, 0. de Bosnowska, une étude pour le buste de Coutances par Mme Suzanne de Gourmont, des bois d'André Rouveyre, des dessins de Dufy, des portraits d'ancêtres, le masque de Remy de Gourmont pris après sa mort, un buste de « Sixtine » par Clésinger, des photographies de Remy de Gourmont jeune, une série de manuscrits et d'éditions originales, un choix de livres établis par les Gourmont, maîtres imprimeurs du XVIe siècle, ainsi que la reconstitution d'un coin du cabinet du maître disparu, avec son fauteuil d'osier, ses meubles, et ses objets familiers. Chaque vendredi, durant cette exposition, au milieu d'une assistance de choix, des paroles émues ont été prononcées et des souvenirs évoqués par Jean de Gourmont, la [?] sœur de l' « Amazone », A. Ferdinand Hérold et René Quinton (Imprimerie gourmontienne, n°10, 1925).

A l'Exposition Remy de Gourmont qui eut lieu, organisée avec grande piété fraternelle, en Juin-Juillet 1924, à la librairie-bibliothèque de la Sirène, parmi les éditions rares et les éditions ordinaires, les documents curieux, les objets familiers, et cette reconstitution discrète et émouvante du cabinet où l'écrivain vivait presque exclusivement, il y avait toute la suite, peu nombreuse, des visages peints ou dessinés de Remy de Gourmont, et le masque même levé du cadavre sur le lit de mort (Legrand-Chabrier, p. 17).

J'avais commencé avant-hier samedi une chronique pour les Nouvelles, avec un compte rendu de l'inauguration de l'Exposition Gourmont à la Sirène (Paul Léautaud, Journal littéraire).

1928

Mort de Jean de Gourmont (tuberculose rénale, d'après le docteur Voivenel in La Courbe).

26 février 1928, de Henri de Gourmont :

« Je sais que vous aimiez Jean et qu'entre autres affinités, le culte commun de Rémy (1) vous unissait. Il me semble qu'à vous écrire ma peine s'allège un peu. J'évoque les joies passées de Coutances, je les évoque douloureusement. Il y a huit jours à peine, nous lisions tous les trois, Jean, Suzanne et moi, votre article à Septimanie, pieux hommage du médecin, de l'ami et de l'écrivain à Rémy, et je vous avais écrit une lettre heureuse et courte que je n'ai pas envoyée puisque entre temps mon pauvre Jean est mort. J'étais en voyage à Rouen, chez mon frère. En rentrant, au train de minuit, j'ai appris l'affreuse nouvelle. Vers six heures et demie, le dimanche 19 février, Suzanne s'était absentée quelques minutes pour acheter les journaux du soir. Elle a trouvé en rentrant son mari étendu par terre et ne donnant déjà plus signe de vie. Il s'était assis sur un petit escabeau, le dos tourné au poêle, et c'est certainement en tendant les bras vers une potion pharmaceutique à sa portée sur la table de la salle à manger qu'il a été frappé peut-être d'une embolie. Suzanne était seule - la bonne avait pris son après-midi -. Ses appels désespérés mirent longtemps à réveiller la maison déserte. Enfin les voisins accoururent; on téléphona aux docteurs Drouin et Joly. Deux heures après ceux-ci arrivèrent, firent des piqûres, essayèrent la respiration artificielle. En vain, bien sûr...

« Jean repose maintenant près de sa sœur dans le tombeau ouvert pour lui prématurément. Après la douloureuse cérémonie Suzanne a tenu à faire un pèlerinage au buste de Rémy. C'est là vraiment que nous bûmes l'une et l'autre le fond du calice d'amertume...

« Toutes ces ombres qui volent maintenant autour de moi et que je voudrais arrêter pour leur parler : Rémy, Mme de Courrière, Marie, mon pauvre Jean tant aimé. Mme Campa se souvient toujours de Coutances et de son beau jardin, et de ses arbres, et de ses fleurs. »

(1) Jean écrit Remy. Henri écrit Rémy. Je crois que Remy est du purisme gourmontien. Comme Clemenceau. Comme Edgar Poe.

(Lettre de Henri de Gourmont au docteur Paul Voivenel, reproduite par ce dernier dans La Courbe, pp. 164-165)

1er mars 1928

Le pauvre Jean de Gourmont est mort en effet subitement, de la mort la meilleure, de celle, comme vous dites, que nous devons souhaiter tous d'avoir. Le dimanche soir, à l'heure du dîner, sa femme était descendue lui acheter un journal. Quand elle est remontée, il était sur le tapis, mort. Une sorte de brusque arrêt du cœur. Il n'a jamais été très allant, et depuis sa grippe de l'année dernière, mal partie, il avait une vie physique encore plus ralentie. Je crois que chez lui on ne le voyait pas malade au point qu'il l'était, mais lui devait le savoir, et le sentir, car il paraît qu'il restait des heures entières assis à un coin de table les coudes sur la table et la tête dans ses mains, à songer. Je l'ai vu mort le lendemain matin lundi. Etonnamment rajeuni. Pas plus de trente ans, certainement. Curieux phénomène de la mort. On ne sait encore s'il a fait ses affaires, indolent, négligent, paresseux comme il était, cela tenant d'ailleurs à sa nature physique. Après son alerte de l'année dernière, il aurait dû se décider pourtant. On espère encore. On attend l'examen de ses papiers. Espérons pour sa femme. [...] Jean de Gourmont est mort de l'extrême opposé de l'artériosclérose : les artères comme celles d'un poulet. Un extrême épuisement. La machine s'est arrêtée brusquement.

(Extrait d'une lettre de Paul Léautaud à Andrée de Béarn de Riquer, Correspondance 1, 10/18, 2001, p. 638)

1930

1935

Mort d'Alfred Vallette. Mort d'Henri de Gourmont.

1936

Cinquantenaire du Symbolisme, Exposition de manuscrits autographes, estampes, peintures, sculptures, éditions rares, portraits, objets d'art, Bibliothèque nationale.

1940

Mort d'André de Gourmont.

1956

22 février : mort de Léautaud.

1958

Samedi 6 décembre 1958 : M. Carabie, Président

M. G. ROHOU signale deux acquisitions récentes de la Bibliothèque municipale de Caen, intéressantes pour l'histoire des lettres normandes. Il s'agit : 1) d'une lettre de Barbey d'Aurevilly (datée seulement « Lundi 4 »), adressée au directeur de la « Veilleuse », revue parisienne éphémère, réclamant un numéro égaré de ce périodique et demandant la prochaine publication de deux articles ; 2) de onze lettres inédites de Rémy de Gourmont à Francis Jammes, dont neuf datées d'août 1897 à mai 1910 ; elles constituent un témoignage précieux sur leur amitié, comme sur la vie du « Mercure de France ». Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, tome LIV, années 1957 et 1958, Caen 1959, p. 583.

17 décembre : les Normands de Paris fêtent le centenaire de la naissance de Gourmont.

1975

1993

27 septembre : création de l'Association des Amis de Remy de Gourmont, présidée par Thierry Gillyboeuf. L'Association publie la Nouvelle Imprimerie Gourmontienne.

1995

13 juin au 20 juillet : Le Mercure de France. Cent un ans d'édition, Bibliothèque nationale de France.

1996

14 & 15 septembre : Journées du patrimoine : Sur les pas des écrivains en Pays de Coutances :

Circuit en car : « Ecrivains et littérature dans le canton de Gavray ». Evocation des écrivains Rémy de Gourmont, Saint-Evremond, A. Lebailly, A. et Ch. Frémine etc. sur les lieux où ils ont vécu ou qui ont inspiré leur oeuvre.

Circuit en car : « Ecrivains et littérature dans les cantons de Coutances, Saint-Sauveur-Lendelin, Périers ». Evocation des écrivains R. de Gourmont, P. Drieu La Rochelle, G. Laisney, L. Beuve, F. Céline,

27-28 septembre : Colloque international de Monselice (Padoue).

1998

Samedi 18 juillet : Les rencontres du Mesnil-Hue : Sur les pas de Remy de Gourmont.

1999

Octobre : création du Cercle des Amateurs de Remy de Gourmont du Lycée Lebrun de Coutances, animé par Christian Buat.

2000

Cliquez sur suite